C’était l’un des débats organisés à la Cité du Commerce et de la Consommation, qui s’est déroulée les 28 et 29 novembre derniers.
Nous y étions, on vous raconte :
Le débat s’est ouvert avec un sondage, réalisé par Opinion Way :
Quel produit symbolise le luxe ? (spontané)
62% la bijouterie
57% la voiture
55% la haute couture
32% le parfum
Que vous évoque le luxe ? (spontané)
Les + : produits intemporels, qualité ; signes extérieurs de reconnaissance
Les neutres : c’est l’inaccessible
Les – : orgueilleux, égoïste ; symbole de la fracture sociale
Pourquoi consomme-t-on du luxe ? (fermé)
71% pour montrer son appartenance à un milieu social élevé
68% car c’est un signe de réussite sociale
68% par amour du beau
Voilà pour les chiffres, place au débat :
Qu’est-ce que le luxe aujourd’hui ?
Elyette Roux (professeur à l’IAE d’Aix, fondatrice de la chaire LVMH à l’ESSEC) : Tout change et rien ne change. Les 4 typologies du luxe (ostentatoires, hédonistes, ambivalents, et anti-luxe) ont toujours existé. Ce qui change, c’est le poids relatif des unes et des autres. C’est vrai dans les époques, et dans les marchés (ex : aujourd’hui l’Europe hédoniste et l’Asie ostentatoire)
Christian Blanckaert (DG Hermès) : Le mot luxe ne veut rien dire. Tout le monde peut entrer dans cet univers en disant "je suis une marque de luxe". Hermès n’est pas une marque de luxe, mais 14 métiers, exercés par des professionnels pointus (ex recrutement de Jean-Claude Ellena comme nez). Hermès ce n’est pas du marketing, mais une expertise, une signature créative, artistique. Le vrai problème d’Hermès, c’est que tout ce qui sort soit signé Hermès.
Peut-on définir une marque de luxe ?
Elyette Roux : Les vraies marques de luxe n’ont pas besoin de se proclamer marque de luxe. C’est comme l’argent, quand on en a, on n’en parle pas.
Une marque, c’est un contrat, or un contrat, ça se signe. Donc une marque, c’est une signature.
Le secteur du luxe, c’est la gestion paradoxale des contraintes : l’exaltation de l’ingérable (le créateur) et la tension vers un objet parfait, et vers le profit.
Le luxe c’est aussi la création d’objets qui mettent les 5 sens en émoi, pour créer une émotion extraordinaire. [à ce sujet, vous pouvez retrouver notre étude sur les territoires sensoriels des marques de luxe ici]
Quid de la responsabilité sociale des marques de luxe ?
Christian Blanckaert : Les marques ne peuvent pas considérer qu’elles n’en ont rien à faire de la pauvreté. Elles ont le devoir de partage et d’ouverture vers les jeunes talents. Peu de marques ont été créées depuis 20 ans, il y a eu beaucoup de lancements mais toujours dans les mêmes maisons.
L’esthétique rejoint l’éthique : on ne peut plus se contenter de faux mécénats. Fondation Hermès et prix Louis Hermès = dénicher de jeunes talents, former des artisans, réinsertion sociale…
Mauboussin affiche une bague de fiançailles à 550€ dans le métro. C’est la démocratisation des produits de luxe ?
Christian Blanckaert : Pas de compromis avec la qualité. L’idée n’est pas de vendre pas cher, il ne faut pas tomber dans la démagogie.
Rolex vend entre 700 000 et 1M de montres par an. Quid de la rareté ?
Elyette Roux : La rareté se fait par la diffusion et par le prix. Fort niveau d’exigence et de contrôle de Rolex (dans la distribution, la fabrication, l’image…)
Christian Blanckaert : Le luxe est dans la rigueur et la qualité, le travail bien fait
Communication du luxe : communication sélective ou grand public ?
Elyette Roux : Il n’y a de règles que ramenées à l’identité de la marque. De belles images dans le métro, ça peut enchanter le lieu. Cartier fait de la TV, mais uniquement pendant les fêtes, en N&B.
Est-ce que luxe = durable ?
Elyette Roux : exemple de Patek Philippe : la valeur ultime c’est la transmission. Ce sera de plus en plus prégnant.
Christian Blanckaert : un produit Hermès doit bien vieillir, c’est là que la marque impose sa signature. Importance de la main = inscription dans le développement durable. "Le luxe c’est ce qui se répare" JC Ellena. Il n’y a pas de directeur qualité chez Hermès, le jour où cela arrivera, ce sera grave.
Aujourd’hui, des designers, des artistes font le choix de rendre leurs créations moins chères. Dans 30 ans, le luxe sera-t-il juste ostentatoire ?
Elyette Roux : il existera toujours les 4 typologies. Le luxe, c’est une touche de joli dans le quotidien. Plus les marques seront mondialisées, plus il y aura de place pour de nouveaux créateurs.
Christian Blanckaert : Dans une société nomade, il y a de la place pour l’arrêt (devant les nouvelles choses, les innovations).
Sur le secteur des parfums, vu la saturation, on peut penser qu’il n’y a plus de potentiel, or il y a toujours de la création. Idem pour les cravates.
Le luxe de demain, ce sera la création et l’innovation.
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